Le football au prix fort pour les spectateurs

Chaque année, la BBC publie une enquête sur le coût du football pour les spectateurs, présentant les tarifs minimum et maximum des abonnements, mais aussi des billets de match (ainsi que le prix des maillots, du programme officiel, de la tarte et du thé).

Ces données sont difficiles à rassembler, et à comparer dans la mesure où les pratiques des clubs varient, avec des tarifs préférentiels (pour les réabonnements ou pour les enfants et les jeunes), des formules de périmètres différents (offrant parfois des matches hors championnat). À Barcelone par exemple, l’accès aux abonnements les moins chers, pour les socios, implique de payer en plus une cotisation annuelle de 177 euros.

Aux clubs de Premier League, l’enquête a ajouté une sélection de 27 clubs européens [1]. Les deux premiers graphiques proposés ici présentent les données compilées de l’ensemble ; les deux suivants ont été produits d’après une étude de l’UEFA sur les recettes de billetterie. Remarque importante : ces chiffres n’incluent pas les recettes issues des loges et autres services dits « hospitality », qui comptent pour une part toujours plus importante dans les revenus des jours de match.

ABONNEMENTS : TRÈS CHÈRE PREMIER LEAGUE

Le grand écart des tarifs frappe d’emblée, notamment d’un championnat à l’autre. Sans surprise, la Premier League se confirme comme le plus cher d’Europe : ses clubs trustent les 17 premières places sur le critère du premier prix d’abonnement. Arsenal, Tottenham et Chelsea imposent ainsi un « droit d’entrée » exorbitant à plus de 1.000 euros – Liverpool n’étant pas loin.

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Le tableau est plus nuancé pour les abonnements les plus chers, avec lesquels les clubs italiens (Inter, AC Milan, Juventus) ou le Real Madrid se rattrapent, en quelque sorte. Le ratio entre l’entrée de gamme et le haut de gamme peut ainsi dépasser 10 chez les deux formations milanaises… Selon ces chiffres, le Paris Saint-Germain détient un record avec un tarif supérieur qui s’approche des 3.000 euros.

Les montants des abonnements les plus chers à Marseille, Monaco ou Lille correspondent approximativement… à ceux des moins chers à Tottenham, Chelsea ou Liverpool. Un supporter de West Ham détenteur d’un abonnement « premier prix » pourrait s’offrir les meilleures places pour voir jouer le Barça, Benfica, Schalke 04, le Bayern ou le Borussia Dortmund. La Bundesliga adopte en effet une politique tarifaire très modérée pour les supporters les plus fidèles.

BILLETS DE MATCH : UNE AUTRE LOGIQUE

Les tarifs pour les billets unitaires relèvent d’une autre logique que celle de la politique d’abonnement. Ainsi, c’est le FC Barcelone qui se retrouve cette fois en haut du classement.

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Le paradoxe est que si les clubs anglais présentent encore les « premiers prix » les plus élevés, ils s’avèrent beaucoup plus modérés sur les premières catégories: tous sont classés derrière les plus gourmands des clubs italiens, espagnols ou français. Comme pour les abonnements, la Premier League propose une gamme de prix plus étroite.

La palme de l’accessibilité reste à la Bundesliga. Le billet le plus cher à l’Allianz Arena est au même prix que le moins cher à Stamford Bridge…

UNE MANNE AU GUICHET

Bien sûr, il manque à ces données la distribution de l’ensemble des tarifs, c’est-à-dire le nombre de places réellement disponibles à la vente pour chaque niveau de prix. Dans bien des cas, la disponibilité des places bon marché est très limitée du fait de la proportion d’abonnements dans les tribunes concernées.

Pour obtenir les revenus globaux que tirent en définitive les clubs de leur billetterie, qui se calculent en multipliant le prix moyen des places par l’affluence de chaque stade (affluence qui tient à la capacité du stade et à son taux de remplissage), on peut se référer aux données récemment publiées par l’UEFA sur les recettes de billetterie.

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La Premier League confirme son hégémonie avec près de 700 millions d’euros annuels, soit plus que l’ensemble des pays classés de la 5e à la 15e place (660 millions à eux tous). La Bundesliga (avec seulement dix-huit clubs) se replace au second rang grâce à ses affluences. Dans le top 5, la Serie A et la Ligue 1 sont décrochées, mais l’écart est également net avec les championnats suivants.

Sur le plan des clubs (voir ci-dessous), le Real et le Barça profitent de la capacité de leurs stades. Capacité qui semblent déterminante puisque quatre des cinq recettes de billetterie les plus élevées sont réalisées dans des stades de plus de 75.000 places – Arsenal, avec une jauge à 61.000, compense par ses tarifs. Encore faut-il remplir de tels stades…

De tels tarifs permettent aussi à Chelsea, Manchester City et Liverpool de réduire le handicap d’une enceinte relativement modeste. Se joint à eux le PSG, dont la politique de prix trouve son sens dans une neuvième place qui fait figure de « performance ».

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UN PRODUIT DE LUXE

On aurait pu penser que les ressources faramineuses tirées des droits de diffusion et de marketing inciteraient les clubs de Premier League à modérer ses tarifs dans les stades. La construction d’enceintes plus grandes s’était même accompagnée de telles promesses : l’exemple d’Arsenal illustre – et de quelle manière ! – leur trahison.

La course aux recettes de guichet n’est toutefois pas l’apanage du championnat anglais, le mouvement étant assez général en Europe, en particulier dans les championnats les plus riches. L’exception notable de la Bundesliga démontre pourtant qu’une volonté de préserver l’accès d’un public populaire peut résister à la logique de maximisation de tous les profits.

Mais globalement, l’enrichissement du football détermine une gentrification des tribunes imposée mécaniquement par sa transformation en produit de luxe pour ceux qui veulent assister aux matches et peuvent se le permettre. Pour les autres, il reste la diffusion via les télévisions ou Internet, plus accessible… mais de plus en plus payante elle-même. Ces dernières semaines, de nouveaux mouvements de protestation contre le prix des places se sont exprimés en Angleterre, de la part des supporters locaux mais aussi des visiteurs [2] : un seuil de tolérance a peut-être été atteint…


[1] Les données ont été collectées auprès des clubs et vérifiées par les journalistes de BBC Sports. Swansea City a refusé de participer à l’enquête. Plus de précisions sur la méthodologie ici (en anglais). Pour nos graphiques, un taux de change (correspondant à celui utilisé par les auteurs) de 1£ = 1,33994€ a servi aux conversions.
[2] Ceux du Bayern Munich sont ainsi restés hors de la tribune lors des premières minutes de la rencontre de Ligue des champions contre Arsenal à l’Emirates Stadium, déplorant le tarif de 64£ qui leur avait été imposé.

La Premier League renforce son hégémonie money money

2,3 milliards d’euros par saison, un bond de 70% par rapport au précédent contrat, près de 14 millions d’euros par match diffusé : voilà en résumé montant des droits de télévision qui sera réglé par les opérateurs Sky et BT pour diffuser la Premier League au Royaume-Uni de 2016 à 2019. La compétition anglaise va voir sa supériorité économique, déjà bien ancrée, passer à un niveau supérieur, et totalement inédit.

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UNE SUPRÉMATIE ÉCONOMIQUE TOTALE

Ayant lancé la course à la financiarisation du football et l’ayant effectuée en tête sans discontinuer, le football anglais avait acquis, avant ce nouveau contrat, une suprématie non contestée. Celle-ci va accéder à un stade supérieur. Pour la saison 2013/14, le chiffre d’affaires global de la Premier League – près de 4 milliards d’euros – représentait presque le double de son dauphin à ce classement, la Bundesliga.

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L’avantage est tel qu’il ne se limite pas à la vente des droits domestiques, mais concerne aussi les droits de diffusion à l’étranger : 900 millions annuels contre 150 pour la Bundesliga ou 130 pour la Liga espagnole. Le football anglais a su parfaitement développer son produit pour en faire le plus attractif sur le marché mondial.

La Premier League a une vertu : la clé de répartition des droits entre toutes les équipes est l’une des plus égalitaire en Europe. Si les critères sont très semblables à ceux de la L1, celui qui indexe les revenus au nombre de diffusions télévisées lisse mieux la distribution. Ainsi, le ratio entre les parts touchées par le premier et le dernier du championnat était-il de 1,6 pour la saison 2013/2014. En Espagne, où les droits sont négociés individuellement par les clubs et où le duo Real Madrid-FC Barcelone en récupère plus du tiers, il est de 7,8 (2 en Bundesliga, 3,4 en Ligue 1, 5,2 en Serie A).

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UNE SUPRÉMATIE SPORTIVE PLUS QUE PROBABLE

L’enrichissement restera donc global. Pour 2016/17, le dernier de Premier League obtiendra 136 millions d’euros, ce qui le mettrait au troisième rang du classement européen de la saison 2013/14, juste derrière le Real et le Barça. Comme l’a fait remarquer un article de la BBC, le Burnley FC, promu cette saison, est plus riche que l’Ajax Amsterdam – club le plus formateur d’Europe selon un récent classement. Et les vingt clubs anglais devraient tous figurer dans le top 30 européen [1]. C’est toute l’élite anglaise qui va léviter, sur le plan économique, au-dessus de l’Europe – au point de faire du championnat anglais un concurrent pour l’UEFA et sa Ligue des champions [2].

Le rapport de forces économiques ne se convertit pas mathématiquement en résultats. Mais dans un football qui a réduit l’aléa sportif au profit des déterminants économiques, et qui a concentré les ressources au sein d’un aréopage de clubs, la puissance de feu des clubs anglais va leur offrir un ensemble de leviers, à commencer par la capacité à recruter les meilleurs joueurs formés dans le monde entier. Tous ne feront pas avec discernement, mais on va assister à une concentration accrue des talents, sans précédent dans l’histoire du football professionnel européen.

On verra si, à la fin des années 2010, le dernier carré de la Ligue des champions n’est pas largement trusté par les représentants de la Premier League. Et, au-delà, si l’hyperpuissance anglaise n’a pas entraîné de déséquilibres massifs à l’échelle du football européen.

DES PROBLÈMES DE TRÈS RICHES

Cette croissance folle n’a toutefois pas que des avantages. On a constaté à quel point elle nuisait à la formation et à la progression des joueurs anglais, empêchait les meilleurs d’entre eux de s’essayer à l’étranger, et précipitait l’équipe nationale dans la médiocrité. Une part considérable de la manne télévisuelle va être engloutie par les agents de joueurs et autres intermédiaires, faisant souvent circuler l’argent via des réseaux occultes, tandis que le football amateur anglais et les échelons inférieurs n’en percevront que les miettes, sans stratégie globale de développement.

Un peu naïvement, certains pensent que cet afflux d’argent profitera aux fans en incitant les clubs à baisser les tarifs des billets et des abonnements, dont l’inflation suscite un débat de plus en plus vif en Angleterre tant elle parachève l’exclusion du public populaire des stades. C’est oublier que, jusqu’à présent, l’enrichissement des clubs est allé de pair avec cette inflation-là, suivant la logique de la maximisation infinie des profits. Les nouveaux stades modernisés et agrandis n’ont ainsi jamais accompli la promesse de ménager des prix accessibles.

Par ailleurs, les sommes consenties par les diffuseurs devraient renchérir le montant des abonnements aux diverses offres payantes. C’est bien l’ensemble du « produit » football dont l’accès sera plus discriminant : poussées hors des stades, les audiences plus populaires se voient aussi éloigner des écrans de télévision.

UN DÉSÉQUILIBRE FATAL ?

Contre les déséquilibres compétitifs qui ont résulté de la folle croissance du football professionnel, et dont témoigne avec une acuité particulière cette inflation des droits anglais, Raffaele Poli (responsable de l’Observatoire du football du Centre international d’étude du sport) prône une solution paradoxale tant elle peut s’apparenter à une fuite en avant : la création d’une grande ligue européenne réunissant une élite de trente clubs. « Face à la prépondérance de logiques marchandes, à l’incapacité des instances dirigeantes à mettre en place des mécanismes régulateurs efficaces et à l’existence de cartels, l’avènement de grandes ligues internationales peut être vu comme opportun », écrit-il dans Le Monde.

L’idée consiste à assainir le marché des transferts, à assurer des mécanismes de redistribution équitable et à permettre de remporter le titre à plus de clubs que ne peuvent aujourd’hui en prétendre gagner la Ligue des champions. C’est-à-dire à restaurer l’équité sportive détruite par la concentration des ressources au sein d’un petit nombre de formations.

Séduisante, cette « superligue » européenne, bien qu’ouverte, prend cependant le parti d’entériner la transformation du football professionnel en pure industrie du spectacle, pour seulement en limiter les effets pervers – probablement mieux que le Fair-play financier de l’UEFA. Ce qui souligne à quel point l’intérêt du football lui-même – en tant que sport dont la passion qu’il génère, on ne le répétera jamais assez, n’a nul besoin de ce déluge d’argent – est devenu impossible à préserver. La Premier League se félicite de son exorbitante fortune, et ne suscite que fascination.


[1] Pour une analyse très détaillée (en anglais), lire le remarquable article de The Swiss Ramble.
[2] Il faut noter que les meilleurs clubs anglais seront bien moins dépendants que leurs homologues européens des droits de télévision de la Ligue des champions, et donc moins affectés par d’éventuelles non-qualifications.

La Premier League, paradis fiscal

The Independent a publié la semaine dernière une enquête assez édifiante sur « l’optimisation fiscale » (« tax avoidance ») qui permet aux clubs de Premier League d’échapper largement à l’impôt sur les sociétés. Les chiffres sont assez parlants: alors que les clubs ont réalisé 150 millions de livres de bénéfices la saison dernière, ils ont payé 3 millions d’impôts sur ces bénéfices, soit un taux de 2%. Le quotidien britannique souligne aussi que cinq d’entre eux n’ont rien eu à régler (dont Manchester United, Newcastle et Tottenham) en dépit d’un bénéfice de cumulé de 70 millions. Ou qu’Arsenal, avec un profit de 36,6 millions, n’a pas eu à débourser plus d’un demi-million de livres. Le journal s’étonne même qu’un secteur affichant 2,2 milliards de livres de chiffre d’affaires dégage aussi peu de profits [1].

Rien d’illégal dans cette évasion, elle a même été encouragée par les pouvoirs publics et la législation: exonérations diverses, baisses successives des taux d’imposition, subventions accordées aux acheteurs étrangers de clubs, reports de déficit avantageux, déductibilité des transferts (lire l’article de Rue89 Sport)… Sans parler de pratiques conniventes et d’arrangements tenus secrets entre le fisc britannique (HMRC) et les entreprises.

PRESTIGE SPORTIF OU JUSTICE FISCALE ?

La Premier League a rappelé qu’elle contribuait à hauteur d’un milliard de livres annuel au travers de la TVA, des charges sociales et des autres impôts. Mais on ne voit pas pourquoi les clubs – à l’instar des sociétés dans le collimateur de l’opinion britannique, comme Google, Amazon, e-Bay ou Starbucks – seraient exonérés d’une contribution à laquelle se soumettent les autres entreprises.

En Angleterre, le débat s’inscrit dans un contexte de crise qui rend de plus en plus insupportable l’optimisation fiscale qui permet à des multinationales géantes de sortir leurs profits du pays où ils les réalisent, payant de moins en moins d’impôts quand les contribuables moyens doivent en payer plus. En France, il entre aussi en résonance avec la controverse sur la tranche d’imposition à 75% pour les revenus au-delà du million d’euros annuel, qui concernerait une centaine de footballeurs sur plus de cinq cents au total en Ligue 1. La question est là: qu’est-ce qu’un État est prêt à sacrifier de justice fiscale pour que ses clubs lui apportent les profits ô combien symboliques du prestige sportif national? Qu’est-il prêt à concéder à l’industrie du football au nom du « rêve » – ou de la diversion politique – qu’elle offre aux citoyens (ou plutôt qu’elle leur fait payer)?

L’hégémonie économique de la Premier League sur le football européen doit aussi se voir sous le jour de ces largesses octroyées par les autorités fiscales britanniques. Certains pays sont revenus sur les régimes d’exception qu’ils accordaient aux footballeurs, comme l’Espagne. Ceux qui profitent aux clubs anglais sont sur la sellette. Le jeu en vaut-il la chandelle?

[1] Sur ce point, il faut rappeler que beaucoup de clubs sont déficitaires et/ou endettés, les ressources étant lourdement ponctionnées par les transferts et les salaires des joueurs.

Mercatographie

Le marché des transferts s’est achevé le 31 août: après des semaines de spéculation sur les recrutements et les rumeurs afférentes (lire « Les mots du mercato« ), l’heure est au bilan, ou du moins aux additions. Représentons le résultat des principales opérations françaises et européennes en quelques infographies [1].

Paris à la puissance qatarie
On ne sait pas si le Paris Saint-Germain va « entrer dans une autre dimension » sur le plan sportif, mais sur le plan économique, un été a suffi: avec plus 86 millions d’euros, le club parisien a dépensé presque la moitié des sommes consacrées au recrutement par toute la Ligue 1, et il se place sur la troisième marche européenne, derrière Manchester City et la Juventus de Turin. Il a réalisé quatre des cinq transferts les plus chers du championnat de France, Javier Pastore (42 millions) arrivant même en deuxième position en Europe, derrière Sergio Agüero. Si Kevin Gameiro (11 millions) ou Blaise Matuidi (8) sont des produits de Ligue 1, Paris a fait son marché surtout en Italie avec Javier Pastore, donc, mais aussi Jérémy Ménez (8), Mohamed Sissoko (7) ainsi que son nouveau gardien Salvatore Sirigu (3,5).

Rigueur à la française
Le contraste avec ses concurrents nationaux est saisissant. Le LOSC champion de France, qui a vendu pour 19 millions, a consacré une enveloppe de « seulement » 14 millions – Dimitri Payet en représentant presque les deux tiers. Le temps est à la rigueur pour les principales écuries, à commencer par un Olympique lyonnais qui s’était montré prodigue lors des deux précédentes intersaisons et qui ne figure qu’au neuvième rang. Au moins à-t-il réussi à vendre, ce qui n’est pas le cas de l’Olympique de Marseille, dont les emplettes d’élèvent à 11 millions, dont cinq pour Alou Diarra. Devant la nécessité de rattraper des déficits qui filent depuis trois saisons, la moitié des clubs français ont eu un mercato « bénéficiaire », en particulier Lyon, Saint-Étienne et Bordeaux – les Girondins n’ayant pas dépensé un euro.

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Eldorado anglais
L’austérité n’est en revanche pas de mise pour des grosses écuries européennes qui semblent ne pas avoir peur de la crise (lire « Un krach dans la soupe« ), ou qui anticipent les restrictions liées à la mise en œuvre du « fair-play financier » (lire « Fair-play financier contre dopage économique« ). En Premier League, les jeunes joueurs anglais – denrée rare – ont été l’objet de surenchères, à l’image de Stewart Downing et Jordan Henderson acquis pour 40 millions d’euros au total par Liverpool, qu’Andy Carroll avait rejoint en janvier dernier contre la même somme. Chelsea s’était adjugé un record mondial, lors du mercato d’hiver, avec les 57 millions dépensés pour l’acquisition de Fernando Torres, et en a réinvesti près de 80 cet été. Liverpool, racheté il y a moins d’un an par les propriétaires américains des Red Sox de Boston, a dépensé près de 120 millions d’euros ces derniers mois…

Nouveaux riches
Dépouillé de deux de ses meilleurs joueurs (Cesc Fabregas et Samir Nasri), Arsenal a compensé en dépensant près de 70 millions – le montant étant le même pour l’AS Roma, également délestée de quelques vedettes. Par comparaison, mais par comparaison seulement, Arsenal (Manchester United (57 millions), Barcelone (58) ou le Real Madrid (55) paraitraient presque raisonnables. Aux mains de propriétaires des pays du Golfe, les « nouveaux riches » Manchester City, Paris-SG et Malaga figurent dans le Top 10 européen, au sein duquel une Juventus en reconquête pointe à la deuxième place, derrière le Manchester City du cheikh Mansour. Le Bayern Munich (44 millions) est le seul club allemand apparaissant dans les vingt premiers: la Bundesliga conserve sa tradition de modération…

Il n’est jamais acquis qu’un déversement de millions fasse le bonheur sportif des clubs les plus dispendieux, mais dans un contexte où les résultats sont de plus en plus corrélées à la puissance financière – et garantissent à leur tour la captation de la majeure partie des ressources issues des compétitions et des droits de diffusion – leur calcul est simple. En cas de krach, il apparaîtra simpliste, mais on n’en est pas encore tout à fait là.

[Cette note est adaptée d’un article paru sur les Cahiers du football]

[1] Les montants affichés des transferts sont d’une fiabilité relative (l’écart peut être grand entre chiffres officiels et chiffres réels, et de plus en plus de transactions comportent des bonus conditionnels), mais on a pris le parti ici de collecter les données sources à partir du tableau des transferts de lequipe.fr afin d’assurer leur homogénéité.